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Histoire de la bière :
du pain liquide aux kits prêts à l’emploi

D’un pain liquide obtenu « par magie » à une boisson aux processus chimiques maîtrisés, celle qu’on appelle aujourd’hui bière a connu de nombreuses évolutions en 15 000 ans.

Des grottes préhistoriques à votre garage, en passant par les abbayes et les usines, voici l’histoire de la bière.

Sikaru et zithum : les principaux ancêtres de la bière

Si les premiers vestiges de boisson fermentée à base d’orge remontent à plus de 15 000 ans, les premières traces documentées des ancêtres de la bière remontent aux Sumériens.

Ce peuple de Mésopotamie antique (3ᵉ millénaire avant notre ère) consomme le sikaru, placé sous la protection de Ninkasi, déesse nourricière.

La base est toujours la même : une galette de pain cuite, écrasée et émiettée dans de l’eau.

Le principe est simple, mais il existe plus de 19 variantes de recettes, selon le goût recherché et la classe sociale. Le sikaru est une sorte de « pain liquide » auquel on ajoute des épices ou des aromates (miel, cardamome…), et qui est brassé uniquement par des femmes.

Cette boisson est consommée par tous, indépendamment de la classe sociale ou de l’âge.

Les premiers vestiges archéologiques exhaustifs nous viennent d’Égypte, où la bière est brassée dès -3500 avant notre ère. Elle est alors appelée heneket (liquide alcoolisé) ou zythum (du grec zýthos, bière, qui a donné « zythologie »).

Composée de pain, d’eau et de jus de datte, sa consistance s’épaissit si elle est destinée aux élites, et des ingrédients comme des épices, du miel ou des fruits y sont ajoutés.

Comme le sikaru, c’est une boisson extrêmement populaire qui servait aussi bien de rafraîchissement que de base d’alimentation, ou même de moyen de paiement.

Stèle égyptienne (env. -1 300 avant notre ère).
On y voit un mercenaire syrien buvant du zythum avec l'ancêtre de nos pailles modernes.

Bon à savoir

Partout dans le monde, on produit dès l’Antiquité des boissons fermentées à base de céréales et de plantes locales : riz, millet, téosinte (ancêtre du maïs), éleusine…

Ainsi, des traces de brassins datant d’au moins 6 500 ans avant notre ère ont été découvertes en Chine.

Toutefois, dans ces régions, la bière a longtemps été perçue comme un produit de luxe, souvent réservée aux rites religieux ou aux grandes occasions. La production de bière – au sens occidental du mot – y est donc restée artisanale et marginale pendant plusieurs millénaires.

La cervoise européenne

L’Europe antique n’est pas en reste. On retrouve des traces d’alcool, contemporaines du sikaru (soit au 4ᵉ millénaire avant notre ère), dans la grotte de Can Sadurní, près de Barcelone (Espagne). Les archéologues manquent cependant d’éléments pour confirmer qu’il s’agit bien de bière.

Des traces de boissons alcoolisées à base d’orge datant de plus de 5 000 ans avant notre ère ont également été mises au jour en Écosse.

Toutefois, contrairement aux civilisations méditerranéennes, les civilisations celtes n’ont laissé que de rares vestiges archéologiques liés à la bière. On dispose donc de peu d’information concernant sa fabrication, son commerce et son usage.

Il faut attendre le IIIᵉ siècle avant notre ère pour que l’on entende parler avec certitude de la bière celte : la cervesia (mot latin qui désigne la cervoise des Gaulois).

On sait alors que le brassage est essentiellement une activité domestique : la bière est fabriquée par et pour le foyer, et rarement dans des brasseries.

Si la cervoise a traversé les âges pour arriver jusqu’à notre mémoire, ce n’est pas la seule boisson alcoolisée que buvaient nos ancêtres celtes. Ainsi, les classes aisées buvaient de la bière au froment et au miel (qu’on appelle purinos), alors que le peuple se contentait d’une bière simple à base d’orge, appelée corma (ou curmi).

L’utilisation du gruit comme aromatisant

Planche botanique du laurier.

Une des principales différences entre le sikaru et la cervoise est la maîtrise du maltage et l’utilisation du gruit pour donner du goût.

Sa composition exacte est inconnue, mais on sait qu’il devait contenir du piment royal (ou myrte des marais), de la bruyère, de l’achillée millefeuille, du lédon des marais ou encore de la résine de pin. 

Il pouvait également être aromatisé avec diverses plantes aromatiques (thym, laurier, estragon, coriandre, sauge, origan, basilic…), selon les régions. Dans les pays d’Europe du Nord, on privilégie le genévrier, plus commun.

Certains mélanges pouvaient comporter des plantes toxiques en petite proportion. Ainsi, on a retrouvé en Scandinavie des traces de bières contenant de la jusquiame noire, une plante toxique et hallucinogène décuplant les effets de l’alcool.

En raison de ses qualités gustatives et de sa facilité de transport, la cervoise s’impose comme boisson de base des légionnaires romains. Elle est toutefois boudée par les élites qui lui préfèrent le vin.

À la chute de l’Empire romain, au Vᵉ siècle, les tribus germaniques qui envahissent alors l’Europe ont le même rapport à la bière que les Gaulois. Elle va donc continuer à être brassée dans les foyers jusqu’au XVe siècle.

La bière chez les Vikings

Autre peuple réputé pour son amour de la bière, les Vikings considéraient cette boisson comme sacrée et lui reconnaissaient des vertus médicinales. En effet, elle était utilisée comme remède contre le scorbut et la pellagre, deux maladies mortelles.

Comme pour la cervoise, la céréale de base était l’orge, agrémentée de plantes aromatiques, notamment le genévrier. Sa faible quantité d’alcool en faisait une boisson consommée par toutes les tranches d’âge.

En outre, pendant les rudes mois d’hiver, ce pain liquide constituait un apport calorique non négligeable.

Bon à savoir

Avant que le rôle de la levure dans la fermentation ne soit connu, la transformation du moût en bière comportait quelque chose de magique.

Ainsi, dans les brasseries vikings, le bâton utilisé pour brasser la bière était conservé précieusement dans le foyer. On croyait alors qu’une bière brassée sans ce bâton magique (appelé kveikal en Norvège) était vouée à l’échec.

En réalité, c’est simplement qu’il comportait des levures qui agissaient comme un starter et facilitaient la fermentation du brassin suivant.

Développement et professionnalisation du brassage

Moine brasseur, protégé par un hexagramme, aussi appelé étoile des brasseurs et qui représente l'eau, la terre, le feu et l'air.
(1506 – Bibliothèque de Nuremberg)

Dès le VIIIe siècle, la production s’industrialise et se professionnalise avec l’apparition des camba (maison de brassage).

Malgré la réticence de l’Église – qui considère la bière comme une boisson païenne – certaines communautés religieuses commencent à intégrer la production de bière à leur économie et accueillent des brasseries au sein de leurs abbayes.

En 802, Charlemagne ordonne la présence d’une brasserie dans chaque abbaye, y voyant un moyen de contrôler la production d’alcool.

Au Xᵉ siècle apparaît le « droit de gruit » (gruitrecht) réglementant la production, la vente et la distribution du gruit. Une taxe était également perçue par les souverains, puis par les seigneurs locaux et les évêques. Il était interdit de brasser sans gruit, et sa composition était tenue secrète afin d’éviter la fraude fiscale.

En Allemagne, les premiers textes de loi sur la production et la commercialisation de la bière apparaissent. Ainsi, en 1156, Frédéric Barberousse édicte une loi punissant tout brasseur produisant une bière infecte ou trompant le consommateur sur la qualité.

En Angleterre, les multiples embargos ou fortes taxes sur l’importation de vin (notamment français) ont favorisé le développement de l’industrie brassicole.

Bon à savoir

La bière et le monde du brassage sont à l’origine de nombreux noms de famille comme : Brasseur, Cambier, Cambiez, Goethals (qui viendrait du néerlandais goede ale qui signifie « bonne bière »), Breuvart (qui serait une déformation du néerlandais brouwer, « brasseur ») ou encore Braueur (« brasseur » en allemand).

Ces patronymes sont surtout portés dans les régions historiquement brassicoles comme les Hauts-de-France actuels, les Flandres ou l’est de la France (Alsace, Moselle…).

De la cervoise à la bière

Scène de vie dans une taverne
(David Teniers le Jeune – 1658)

Grâce aux connaissances des moines, le brassage connait plusieurs évolutions majeures au Moyen Âge.

Leurs multiples expériences sur les techniques de fabrication, d’aromatisation ou de conservation contribuent à créer la boisson que l’on connaît aujourd’hui.

Le développement de l’usage du houblon

C’est ainsi qu’au XIIe siècle, la religieuse allemande Hildegarde de Bingen met en valeur les propriétés antiseptiques du houblon.

Cette plante était déjà connue des brasseurs, mais n’était utilisée qu’en petite quantité dans des mélanges aromatiques. D’ailleurs, une des premières mentions connues de l’utilisation du houblon dans la bière remonte à 822.

Considérée comme la première naturaliste d’Allemagne et médecin réputée, Hildegarde de Bingen révèle dans son ouvrage Physica (paru vers 1150-1160) que l’amertume du houblon lutte contre certaines fermentations nuisibles dans les boissons et permet de les conserver plus longtemps.

Bien qu’il ne s’agisse que d’un petit passage dans un ouvrage conséquent, cette information fut reprise par de nombreux brasseurs, contribuant à résoudre un défi majeur de l’époque : la conservation.

Petit à petit, la culture du houblon destiné à la bière se démocratise, d’abord en Allemagne, puis en Flandre et aux Pays-Bas, avant d’atteindre l’Angleterre.

En 1348, un édit de Weimar (Allemagne) impose la présence du houblon dans la bière. D’autres décrets publiés en Allemagne au XVᵉ siècle font du houblon le seul aromatisant autorisé.

L’apparition du mot bierre

En Angleterre, dès le XIVᵉ siècle, on distingue les ales (bière sans houblon) des beers (bière avec houblon). Les brasseurs n’étaient alors pas autorisés à brasser les deux types en même temps. En Écosse, la production d'ales sans houblon perdure pendant encore plusieurs siècles.

Le mot bierre (avec deux r) fait son apparition en France en 1435 pour désigner la boisson à base d’orge, d’eau et de houblon, et la distinguer de la cervoise. Ce terme apparaît officiellement pour la première fois dans une ordonnance réglementant le commerce des cervoises.

Il semblerait que le mot soit inspiré du mot néerlandais bier, lui-même issu soit du latin biber (« boisson ») soit du germanique beuza (« effervescence »).

Il sera ensuite décliné dans toute l’Europe : biera en italien ; beor en anglais ; bior chez les Scandinave et bir en néerlandais.

La révolution de la fermentation basse

Au XVe siècle, les brasseurs bavarois révolutionnent le monde de la bière en inventant la fermentation basse, créant ainsi les premières lager.

La fermentation basse se fait grâce à des levures dérivées de la souche Saccharomyces pastorianus. La fraîcheur requise par le procédé protège la bière contre les bactéries et les champignons. Les bières ainsi obtenues se conservent donc mieux que les bières produites par fermentation haute. Elles sont toutefois moins alcoolisées.

Les circonstances exactes de cette invention sont inconnues. Une théorie veut que ces souches de levures soient nées de croisements opérés dans les grottes de stockage. Avec le temps, elles se seraient habituées aux températures fraîches, créant ainsi un nouveau style de bière.

En 1516, le duc Guillaume IV de Bavière édicte le fameux Bayerische Reinheitsgebot (décret sur la pureté de la bière). La fermentation basse y est imposée de fait, car il est interdit de brasser en saison chaude pour éviter les contaminations bactériologiques.

Ce décret encadre la fabrication et la commercialisation de la bière. En plus de limiter les ingrédients (seuls l’orge, l’eau et le houblon sont autorisés), il fixe le prix de la bière et les sanctions en cas de production de bière impure.

La levure n’est pas incluse dans la liste des ingrédients, car son rôle précis n’est pas encore compris.

À partir du XVIe siècle, les bières bavaroises étaient donc exclusivement fermentées à basse température. Cela était rendu possible par le climat froid qui régnait alors à l’époque en Bavière, notamment en raison du Petit âge glaciaire médiéval.

La fermentation basse se démocratisera au XIXe siècle grâce aux travaux de Pasteur sur la levure, pour devenir le style de fermentation le plus utilisé au monde.

Apparition des brasseries modernes

Pendant plusieurs siècles, on constate peu d’évolutions notables dans la production ou la commercialisation de la bière.

Les brasseries poursuivent leur développement, et la bière se consomme localement, directement à la brasserie ou dans les bars à proximité.

Tout change à la fin du XVIIIᵉ siècle.

La modernisation des brasseries et du métier de brasseur

Image publicitaire du réfrigérant tubulaire de Jean-Louis Baudelot capable de refroidir 25 000 litres de moût en 1h30.
(Office de tourisme de Charleville-Sedan)

En France, les privilèges royaux accordés aux brasseurs professionnels sont abolis en 1792 et de nombreuses abbayes sont détruites.

Les brasseries religieuses sont alors remplacées par des brasseries laïques, qui se multiplient.

C’est avec la Révolution industrielle et le développement de la machine à vapeur que les brasseries se modernisent. Vers 1840-1850, de nombreux brevets sont déposés, visant à améliorer le rendement du matériel et la qualité de la production.

Le brassage manuel est ainsi remplacé par un brassage mécanique, et des outils comme le thermomètre ou le densimètre se perfectionnent.

En France, les Ardennes sont à l’origine d’inventions qui marqueront l’industrie de la bière et seront utilisées dans toutes les brasseries du monde.

Parmi elles, le barboteur et un système réfrigérant, accélérant considérablement le refroidissement du moût, sont conçus par Jean-Louis Baudelot.

De nouveaux moyens de consommation

En parallèle, les moyens de consommer la bière évoluent : en 1797, un mécanicien anglais invente la pompe à bière, bouleversant la distribution des bières au comptoir.

La bière n’est alors plus versée dans une cruche à la cave puis apportée au consommateur. À la place, le barman active une manivelle ou une pompe mécanique pour créer une dépression dans le tuyau relié au fût, et faire monter la bière jusqu’au bec de tirage. En plus de faciliter le service, cette invention limite les risques de contamination de la bière pendant le service.

De plus, les amateurs de bières commencent à préférer les verres à bière aux chopes en céramique. Le développement de ces nouveaux contenants est favorisé par l’essor de l’industrie du verre et l’apparition de styles de bières plus légères et moins troubles.

Avec l’apparition de nouveaux modes de transport à vapeur, les brasseries peuvent désormais vendre leur production dans des villes éloignées, voire jusqu’aux États-Unis.

Pompe à bière ancienne.

Des trains entiers étaient alors réservés au transport de la bière, notamment sur la ligne Strasbourg-Paris. Pour garder la fraîcheur de la bière, les tonneaux voyageaient alors dans des wagons peints en blanc et contenant de la glace.

Wagon de transport de bière construit  pour les chemins de fer autrichiens.

Toutes ces améliorations techniques et commerciales ont pour conséquence de réduire considérablement le nombre de petites brasseries. Par exemple, entre 1866 et 1893, la ville de Strasbourg a perdu plus de 90 % de ses brasseries.

L’émergence de nouveaux styles

Au début du XVIIIe siècle, deux nouveaux types de bières apparaissent à Londres : la porter et la stout.

Ce sont les premières bières dont la maturation était opérée à la brasserie et qui pouvait alors être dégustée immédiatement. Auparavant, la bière était expédiée aux revendeurs qui se chargeaient de la garde.

Les nouvelles techniques de brassage permettent l’apparition de bières légères et peu troubles : les bières blondes.

Entre 1821 et 1840, on développe et perfectionne à Édimbourg l’Indian Pale Ale (IPA) pour répondre à la demande en bière des colonies britanniques. Ces nouvelles bières, plus légères et amères, prennent alors le nom de bitter.

En 1842, dans la ville de Pils (Tchéquie), un brasseur local invente la pils, une bière claire et dorée qui va rencontrer un vif succès au point de devenir le style le plus copié au monde.

Tonneau de Guinness dans une brasserie de Dublin.

La compréhension du rôle de la levure

De tout temps, les brasseurs ont appris à composer avec la levure et ses effets, sans pour autant les comprendre. Ce n’est qu’avec le développement des outils scientifiques, notamment le microscope, que l’étude des levures et de la biochimie de la bière est rendue possible.

En 1680, le savant néerlandais Antoni Van Leeuwenhoek est le premier à observer des cellules de levures au microscope et à les décrire.

Vers 1700, les premières productions commerciales de levure apparaissent. À l’époque, il s’agissait surtout de maintenir des colonies de levure en vie. Avant l’introduction de ces levures commerciales, les brasseurs trouvaient leurs levures dans les résidus de fermentation ou dans le krausen (mousse qui se forme lors de la fermentation première).

Il faudra attendre 1859 et les travaux d’un autre scientifique hollandais, J. H. Van den Broek, pour que le terme levure apparaisse. 

Auparavant, ces micro-organismes étaient nommés en fonction de là où on les trouvait : gist en vieil anglais, qui vient du moyen-allemand gest (souillure ou lie), et jest (mousse) qui donnera yeast en anglais.

En français, « levure » vient du latin levare (soulever).

Louis Pasteur, dans son laboratoire.

En 1857, Pasteur prouve que la fermentation résulte de travaux de cellules vivantes et non de cellules mortes. Il prend alors le contre-pied du dogme communément admis à l’époque, à savoir que la fermentation est provoquée par la décomposition de cellules.

Il démontre aussi que les micro-organismes se développent non par miracle ni lors d’une réaction spontanée. Grâce à cette découverte, il prouve que les bactéries, champignons et autres moisissures sont responsables de la contamination des liquides.

Cela le pousse à mettre au point la pasteurisation, consistant à faire chauffer un liquide entre 60 et 100 °C.

Dans les années 1870, il concentre ses recherches sur la fermentation alcoolique de la bière, afin d’aider les brasseurs français dans leur guerre commerciale contre les brasseurs allemands.

Il met alors au point un procédé révolutionnaire : la pasteurisation de la bière dans la bouteille, pour stopper la fermentation. Il impose également une hygiène stricte dans la brasserie et recommande de limiter au maximum le contact entre le moût et l’air pendant la fermentation.

Enfin, la compréhension du phénomène de fermentation alcoolique entraîne la sélection et la culture des souches les plus adaptées. La levure devient alors un ingrédient à part entière, produit pour la première fois de manière industrielle.

Cette « domestication » de la levure marque le début de la standardisation de la production de bière.

La standardisation et la mondialisation de la bière

Au début du XXᵉ siècle, plusieurs évènements vont contribuer à réduire encore le nombre de brasseries et la diversité des bières :

  • une succession de crises économiques et de guerres, ruinant les brasseries et faisant grimper le prix des matières premières ;
  • des politiques restrictives dans certains pays (notamment aux États-Unis avec la prohibition) ;
  • le développement du capitalisme et de la mondialisation ;
  • en 1906, l’adoption de la Reinheitsgebot bavaroise dans tout l’empire allemand, provoquant la disparition de nombreuses bières locales ;
  • l’apparition de boissons concurrentes, comme les sodas.

En parallèle, on assiste également à une standardisation des procédés de fabrication, et la bière est produite à (très) grande échelle. C'est l'apparition des premiers kits à bière (Autobrasseur est né en 1920), permettant des brassins de qualité identiques.

Les brasseries trouvent alors de nombreux stratagèmes pour attirer les meilleurs brasseurs et se développer dans tout le pays, voire dans d’autres pays (en rachetant des brasseries plus petites ou en fusionnant).

Unité d'embouteillage dans une brasserie russe au début du XXe siècle.

Pendant les périodes de guerre, seules les brasseries qui réussissent à transformer leur activité et à protéger leur matériel (le métal pouvant être utilisé pour fabriquer des armes) survivent.

Ainsi, pendant la Première Guerre Mondiale, la France perd plus de 2 000 brasseries, et 900 pendant la Seconde. Après ces deux guerres, il ne reste plus que quelques centaines de brasseries en France (contre plus de 3 300 en 1910).

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la plupart des pays ont vu le nombre de brasseries chuter drastiquement. Dans les années qui suivent, on assiste à de nombreux rachats et à une concentration de la production aux mains de quelques grands groupes, qui auront raison de la production régionale.

Le contexte politique de certains pays, notamment en Europe de l’Est, n’est pas favorable à la diversification de l’industrie brassicole. Les brasseries privées sont interdites, et seules subsistent quelques bières brassées selon des procédés standardisés dans les brasseries d’État.

L’industrialisation de la production de bière est aussi facilitée par la démocratisation d’un appareil qui révolutionne le stockage de la bière : le réfrigérateur. De plus en plus de foyers en sont équipés, ce qui facilite sa conservation, et de nouveaux contenants, comme la canette, apparaissent.

Cela entraîne un changement de consommation : désormais, il n’est plus nécessaire d’aller dans un bar pour consommer de la bière, d’autant qu’on en trouve de plus en plus facilement dans les nouveaux supermarchés.

En 1985, l’immense majorité des brasseries locales a disparu, et on ne compte plus que 30 brasseries en France. Aux États-Unis, le nombre de brasseries passe de 350 en 1950 à 24 en 2000 (avec 4 géants qui se partagent 90 % du marché). Aujourd’hui, grâce à la renaissance des brasseries artisanales, on en dénombre plus de 7 000.

Le renouveau de la bière artisanale

Considérée comme un point faible, par comparaison à leurs homologues industrielles, la qualité des bières artisanales est finalement ce qui va provoquer leur renouveau.

Las des bières aseptisées, les amateurs de bière des années 1970 recherchent des bières avec plus de goût et d’arômes, malgré une qualité plus aléatoire.

En outre, les considérations environnementales grandissantes poussent pour une production céréalière plus locale et font évoluer certains modes de consommation.

Les brasseries artisanales deviennent alors les héritières d’un savoir-faire ancestral.

Au début des années 1970 naît en Grande-Bretagne le mouvement Campaign for Real Ale (CAMRA), militant pour le retour aux « véritables ales » : celles qu’on sert au pub, tièdes, fortement houblonnées et peu pétillantes.

Leurs actions vont faire évoluer le paysage brassicole britannique, et par ricochet le paysage brassicole européen grâce à des actions simples :

  • Reprendre en main le savoir-faire abandonné aux géants industriels, et revenir aux techniques fondamentales. Cette tâche, aujourd’hui aisée grâce au Web, était une véritable gageure à l’époque. Les livres de recettes étaient rares, et ceux qui étaient disponibles proposaient essentiellement des lagers et des pils.
  • Expérimenter, en s’appuyant sur le savoir-faire des anciens maîtres-brasseurs. Cela passe par recréer du matériel et trouver les fournisseurs adaptés aux petites productions.
  • Trouver un modèle économique viable et duplicable.

Les micro-brasseries modernes étaient nées.

Ce modèle s’exporte en Europe continentale, grâce aux brasseurs venus se former en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis grâce à un journaliste et écrivain anglais, Michael James Jackson.

Son Guide international des bières (1977) rencontra un succès retentissant dans le monde et permit de faire connaître de nombreuses bières, ainsi que de populariser la notion de styles.

Né en Grande-Bretagne, consolidé en Europe, le mouvement des micro-brasseries va véritablement se développer aux États-Unis dans les années 2000, où il est particulièrement dynamique. Le sens du marketing américain n’y est pas étranger : création des premières compétitions et festivals, production éditoriale riche…

Une taproom en Floride, symbole du renouveau des brasseries artisanales.

L’avènement d’Internet et du Web a également contribué au renouveau brassicole. Les brasseurs amateurs ou semi-professionnels du monde entier peuvent y trouver astuces, recettestutoriels, discuter sur des forums ou encore acheter leur matériel et leurs matières premières sur leur site e-commerce préféré.

La facilité avec laquelle il est aujourd’hui possible de brasser et d’expérimenter assure de beaux jours aux bières artisanales.

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